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  • : James JOYCE à Saint-Gérand-le-Puy
  • : Informations, échanges sur la vie et l'oeuvre de Joyce. Thèmes de rencontres, conférences, tables rondes. Evènementiel : "Le jour d'Ulysse" Musée et bibliothèque Anna Livia Plurabelle. Balade "Sur les pas de Joyce à Saint-Gérand-le-Puy".
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4 mai 2015 1 04 /05 /mai /2015 23:36

 Le samedi 21 juin dernier, de fidèles amateurs de James Joyce ont bravé les aléas de notre siècle — grève des cheminots, fête de la musique, coupe du monde de football, réchauffement climatique, etc. — pour mettre leurs pas, comme chaque année depuis dix ans, dans ceux du célèbre écrivain irlandais du siècle précédent, qui séjourna à Saint-Gérand de Noël 1939 à décembre 1940. Une agréable et riche journée sur le thème « traduire, trahir (?), lire Joyce ».

Cela a commencé par un dîner au château du Sauvage dans la joyeuse ambiance gaélique donnée par le groupe clermontois des J. J. Minstrels ; cela s’est poursuivi par un échange convivial à la pâtisserie Aux Délices (où chacun témoigna de son premier contact avec l’écrivain et des obstacles qu’il rencontra en le lisant) et par une promenade ensoleillée à travers les rues du bourg de Saint-Gérand (avec lectures bilingues d’œuvres joyciennes et impromptus des J. J. Minstrels) ; et, après un repas au Restaurant de la Paix (où Joyce eut sa chambre) cela s’est terminé à la salle Anna-Livia–Plurabelle par une conférence originale — le tout à l’initiative de l’association James Joyce à Saint-Gérand-le-Puy, que préside Pascal Bataillard, Maître de conférences en traduction et littérature de langue anglaise à l’université de Lyon 2.

Malgré l’absence de prestigieux invités (tels les psychanalystes Annie Tardits, Élisabeth Leypold et Moustapha Safouan, de même que l’historien Jacques Le Brun, empêchés par la grève), la conférence captiva une assistance de qualité venue de l’Allier et du Puy-de-Dôme. Cette conférence s’honorait de la présence de Jacques Aubert, qui dirigea en 2004 les travaux collectifs de la seconde traduction d’Ulysse ; la première datait de 1929 et avait été supervisée par notre grand écrivain bourbonnais (et cosmopolite) Valery Larbaud. Pourquoi deux traductions ? Parce que la langue bouge ! Parce que nous ne comprenons plus certaines expressions ou que nous les trouvons démodées. Parce que Joyce lui-même pensait que son œuvre donnerait du grain à moudre aux traducteurs et aux exégètes longtemps après sa mort à 59 ans, en janvier 1941, un mois seulement après avoir quitté Saint-Gérand.

C’est de ce grain que s’est emparé Alain Daudier, au départ simple auditeur d’une lecture du premier chapitre du roman que l’association avait donnée à Varennes-sur-Allier en janvier dernier : « J’y étais venu avec mon édition de 1948 (la quinzième), alors que Jean-Claude Péronnet se servait d’une récente édition au format de poche. J’avais alors été frappé par l’écart existant entre les deux textes — omissions, transpositions, sens différents voire opposés. J’ai donc décidé d’en avoir le cœur net : j’ai téléchargé l’œuvre originale en anglais, scanné les deux traductions et disposé les trois textes sur trois colonnes sur une page de gauche ; sur la page de droite, j’ai créé trois autres colonnes, deux pour mes annotations et une pour une troisième traduction, me comportant alors avec la naïveté et la prétention insupportable du touriste partant pieds nus à l’assaut de l’Everest. C’est à partir de ces quelque 360 annotations que j’ai effectué une sélection présentée dans le diaporama qui a servi de base aux échanges du 21 juin. »

S’est alors engagé un très intéressant dialogue entre Jacques Aubert, Alain Daudier, Gérard Colonna d’Istria, agrégé de philosophie et pilier de l’association, et une partie de l’assistance, dont des universitaires clermontois, sur les problèmes que pose la traduction : « Le poète anglais Coleridge utilise une image très parlante, note Gérard Colonna : pour lui, « le traducteur est un pont-levis ». Si le pont-levis, reste levé, s’il existe une hétérogénéité absolue entre deux langues, la traduction est impossible et le texte reste muet, inaccessible au lecteur étranger ; mais, dès qu’il s’abaisse, les difficultés commencent, aussi bien pour le porteur du message que pour la culture d’accueil. Le traducteur n’est-il pas, inévitablement, un traître à la langue d’origine comme à celle d’arrivée ? Selon le philosophe Paul Ricœur, ce dilemme peut être dépassé : pour lui, « traduire, c’est dire la même chose autrement », et cet « autrement » est une sorte d’« équivalence sans identité ».

Autrement dit, le traducteur doit effectuer un travail de deuil, renoncer à l’idéal d’une traduction parfaite, accepter la perte qu’entraîne toute traduction, même en si on la dote d’un appareil de notes. Mais il reste que perfectionner sans cesse une traduction est un exercice jubilatoire, comme nous l’a fait toucher du doigt le dialogue de ce samedi après-midi. Il y aura toujours de nouvelles traductions… 

Avec le soutien de la municipalité de Saint-Gérand, l’association James Joyce à Saint-Gérand-le-Puy reprendra son travail dès la rentrée afin de perpétuer le génie littéraire du grand écrivain et le souvenir de sa présence dans notre région.

 

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