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Présentation

  • : James JOYCE à Saint-Gérand-le-Puy
  • : Informations, échanges sur la vie et l'oeuvre de Joyce. Thèmes de rencontres, conférences, tables rondes. Evènementiel : "Le jour d'Ulysse" Musée et bibliothèque Anna Livia Plurabelle. Balade "Sur les pas de Joyce à Saint-Gérand-le-Puy".
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31 mai 2010 1 31 /05 /mai /2010 19:00

                                INVITATION

 

 

                                    Xavier CADORET, Maire de Saint-Gérand-le-Puy,

                                Jean-Claude PERONNET, Président de l’Association :

 

James JOYCE à Saint-Gérand-le-Puy

 

Ont le plaisir de vous convier au

 

Jour d’Ulysse 2010

 

Ainsi qu’au vin d’honneur offert par la Municipalité

 

Le samedi 26 juin 2010 à 18h – Espace James Joyce

à Saint-Gérand-le-Puy

 

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31 mai 2010 1 31 /05 /mai /2010 18:57

 

 

Jour d’Ulysse  26 juin 2010 – Espace James Joyce –

03 Saint-Gérand-le-Puy

 

Joyce et l’Europe

 

·         9h : Petit déjeuner irlandais

A la Pâtisserie « Aux Délices »

 

·        10h30 : « Sur les pas de Joyce dans Saint-Gérand »

 Visites, Lectures, Animation musicale par les J.J. Minstrels

 

·         12h : Déjeuner au Café Parisien

 

·         14h30 : Conférence de Janine Neboit-Mombet :

Réception de l’œuvre de J. Joyce en Russie  et en URSS.

·      16h30 : Conférence  de Jacques Le Brun :

      James Joyce et Louis Gillet

 

·        18h : Vin d’Honneur offert par la Municipalité de Saint-Gérand-le-Puy

·         19h : Dîner à l’hôtel de la Paix

Animé par les J.J. Minstrels

 

·       21h : Conférence de Pascal Bataillard

"Voyage in Italy" Joyce et Rossellini  deux monstres sacrés. 

____________________________________________________________________________________

COUPON DE RESERVATION

À retourner à  la trésorière

Simone Courtadon, 10 rue de Provence

 03150 Varennes sur Allier

scourtadon@orange.fr

' : 06 81 79 42 54

(avec le règlement, à l’ordre de James Joyce à Saint-Gérand le-Puy, avant le 19  juin 2010)

 

Nom :

Prénom :

Adresse :

CP :

Ville :

' :

Email :

Petit Déjeuner        x   8 € =     

Déjeuner                x  17 € =     

Dîner  musical       x   22 € =     

  Total :         

o       Chèque        o       espèces

 

 

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12 mai 2010 3 12 /05 /mai /2010 13:57

Joyce  (1882-1941)

Eléments biographiques.

 

Nom intéressant en soi : viendrait de jocax (?) signifierait la joie (?) et serait synonyme (selon Joyce) de Freud(e) ?

Trois grandes périodes de 20 ans chacune :

·         L’Irlande (1882-1904)

·         Trieste (et Zurich) (1904-1920)

·         Paris (1920-1941)

 

1.      L’Irlande

a)      La famille de Joyce

Famille de vieux et petits nobles (portraits des aïeux promenés selon les vicissitudes) irlandais, catholiques. Les parents ont 4 garçons et 6 filles (dont 3 fausses couches). Irlandais donc, mais atypiques : le père est anticlérical. Musicien, comme tout le reste de la famille, c’et un génie raté qui va sombrer dans l’alcool et la déchéance après la mort de Parnell, leader nationaliste auprès duquel il s’était engagé. Il perd du coup son statut de fonctionnaire et la plus gde partie de ses revenus. La maille Joyce va dès lors sans cesse déménager, dès qu’elle ne pourra plus payer les traites et aller vers des logements de plus en plus petits et de plus en plus sordides.

Ces changements financiers auront des répercussions sur l’éducation de JJ.

b)     L’éducation de Joyce

D’abord éduqué chez les Jésuites, dans un excellent collège, les déboires financiers paternels lui font quitter son collège en cours d’année pour aller vers un autre établissement de moindre envergure.

Cette éducation chrétienne a une importance considérable sur la formation de sa culture générale, théologique et philosophique mais aussi sur sa façon d’être et de ressentir les choses : l’emprise de la Contre-réforme et du catholicisme rigoriste de l’Irlande sur les esprits vise à contrebalancer celle du Protestantisme ou de l’anglicanisme, vécus non seulement comme des fois déviantes mais aussi comme les expressions culturelles du colonialisme britannique. Ce catholicisme ancre profondément dans l’esprit de tous les jeunes Irlandais, et de Joyce, les notions de péché et de culpabilité, avec celle, qui leur est corollaire, de l’enfer.

Joyce adolescent et jeune homme, attiré par le péché (le sexe) va s’éloigner de la foi et du folklorisme irlandais qui lui semble lié. Dès lors il éprouvera un mélange d’amour et de dépit pour l’Irlande et Dublin en particulier : il se moque des tentatives régionalistes ; même s’il est d’accord pour un développement culturel local et l’affirmation d’un patrimoine irlandais, il refuse que ce soit au détriment de l’ouverture. Il entend être, comme le disait Ellmann : « un Irlandais d’esprit européen. ».

 JJ sent que l’exil et la création (l’écriture) sont désormais liés et qu’il ne pourrait écrire valablement dans une atmosphère étouffante. Premier départ : Paris en 1902, largement improvisé (à 20 ans).

Rencontre (sexuelle), le 16 juin 1904 de Nora qui sera sa femme : Ulysse’s day ; équilibre entre Stephen Dedalus, l’insurgé et Léopold Bloom, le mari complaisant…

Dès lors, tout dans la vie de Joyce va pouvoir alimenter la vie de son œuvre : « j’essaie de donner aux gens une sorte de plaisir intellectuel ou de joie spirituelle en convertissant le pain de la vie quotidienne en quelque chose qui a par lui-même une vie artistique permanente… pour leur élévation morale, mentale, spirituelle. » (Cité par Ellmann, p. 100)

2.      Trieste et Zurich

JJ quitte l’Irlande avec Nora. Il suit une proposition de poste de prof d’anglais pour l’école Berlitz, qui l’emmène à Trieste où il restera de 1905 à 1914. Trieste n’est pas, à l’époque, une ville anodine : ville italienne, colonisée par l’empire austro-hongrois, sur la côte dalmate, c’est une ville portuaire de mélange, où sont parlées de très n ombreuses langues, avec toutes sortes d’accents. Cette profusion linguistique plaît à Joyce qui va y découvrir Ettore Schmitz, un des plus grands écrivains italiens sous le nom d’Ittalo Svevo.

Pendant cette période, il ne retournera que deux fois à Dublin avec Nora, avec des désillusions sur les capacités d’ouverture culturelle de sa ville.

C’est durant toute cette période qu’il se bat pour faire publier sa première œuvre majeure Dubliners, en butte aux tracasseries des éditeurs anglo-saxons, propices à devancer la censure et qu’il va composer son œuvre la plus connue : Ulysse.

A Trieste, le couple s’agrandit d’un garçon (Giorgio) puis d’une fille (Lucia) et va connaître des difficultés financières multiples et récurrentes (jusqu’à la fin de la vie de JJ), dues à la modestie des salaires de Joyce mais aussi et surtout à son impécuniosité. Joyce ne sait pas gérer l’argent, le dépense royalement dès qu’il en a et sombre de plus en plus dans la boisson. Il fait venir son frère Stanislas, qui va habiter avec eux, travailler et subvenir très souvent aux besoins de la famille de JJ.

Joyce quitte Trieste en 1915 : citoyen britannique, dans l’empire austro-hongrois, dans une ville réclamée par les alliés de l’Angleterre et les ennemis de l’Autriche, il estime qu’il serait plus en sécurité à Zurich. C’est une zone neutre, au-dessus des conflits, comme son œuvre est au-dessus des mouvements littéraires de l’époque et son langage, au-dessus des langues. De plus, Zurich, havre de paix au centre de l’Europe, est un foyer d’intellectuels : on y retrouve aussi bien les dadaïstes (Arp, Max Ernst, Tzara) que Jung ou Lénine. Mais JJ se maintient sur sa réserve, à part des autres grands noms de la culture européenne de cette époque.

A la fin de la guerre, JJ retourne à Trieste en 1919, puis, à l’instigation d’Ezra Pound, il envisage de partir pour l’Angleterre et s’arrête à Paris pour une semaine, en 1920. Il y restera en fait à peu près 20 ans, avec quelques mois de coupure.

 

 

3. Paris

On peut distinguer schématiquement trois périodes dans cette dernière partie de la vie de JJ. Une période littéraire faste allant de 1920 à 1929, une autre douloureuse sur le plan familial et personnel, de v1929 à 1939 et l’année 1940, en pleine tourmente de la seconde guerre mondiale.

a)      Une période faste

A Paris, JJ rencontre des gens qui s’intéressent à son œuvre : aux Gens de Dublin, au Portrait de l’artiste en jeune homme, paru en 1917, aux extraits d’Ulysse, parus ici et là, en revue. Ces nouveaux amis ont pour nom : Sylvia Beach, qui tient la librairie anglaise de Paris Shakespeare and Co. Il y rencontre aussi Adrienne Monnier, sorte de prêtresse de la littérature française d’avant-garde, avec sa revue Le navire d’argent, qui va aussi le soutenir. Joyce va y trouver d’autres amis connus (Philippe Soupault) ou moins connus mais très importants pour sa vie quotidienne (Léon, russe exilé qui va l’aider jusqu’à sa disparition en 1940). Un personnage déjà haut en couleur, grand buveur également, créateur et Irlandais va bientôt faire partie des intimes de Joyce, au point de lui servir parfois de secrétaire. Il s’agit d’un jeune lecteur d’anglais à l’ENS, du nom de Samuel Becket. Il y rencontrera également Valéry Larbaud, auteur, critique, traducteur, amoureux de la littérature, qui est fasciné par Ulysse. Ce livre, énorme, révolutionnaire, paraît donc en 1922, à Paris, dans une édition de Shakespeare and Co, pour échapper à la censure anglaise (comme 30 ans après le sera la Lolita de Nabokov, pour les mêmes raisons). Le livre déclenche de suite la polémique internationale. Yeats, autre auteur irlandais, commence par dire, avant de se raviser que « c’est un livre de fou ». Joyce demande à Larbaud de le traduire le plus vite possible (Paris est alors la capitale des mouvements littéraires) mais celui-ci ne peut s’en charger seul et ils seront 5 à traduire Ulysse, sous le regard critique de Joyce lui-même (qui parlait et écrivait parfaitement le français, mais aussi l’italien, le danois, l’allemand...). Ulysse paraitra en français en 1929.

Joyce commence à gagner un peu d’argent (surtout des dons que lui font des admirateurs), qu’il continue à dépenser somptueusement, sans aucun souci du lendemain.

Dès la parution d’Ulysse, commence à écrire un livre au titre mystérieux, qu’il ne fera connaître qu’à sa parution et qu’en attendant il nomme « Work in Progress ». Des passages (encore plus déconcertants qu’Ulysse) seront livrés en revus (Anna-Livia Plurabelle, par exemple, en 1928). Ce sera finalement Finnegans’Wake, qui paraitra en 1939.

Un événement important est à noter sur le plan international : la création de l’état d’Irlande, en 1922. Joyce, qui soutenait le Sinn Fein est tt d’abord satisfait mais il estime vite que cette nouvelle Irlande est gouvernée par des gens étroits d’esprit, conservateurs sur un plan moral et censeurs, avec lesquels, lui et ses œuvres n’auraient rien à faire (cf. une parole d’un prêtre important politiquement : «l’Irlande sobre est une Irlande libre. »).Nora va d’ailleurs faire un séjour avec ses enfants dans sa famille alors que Joyce reste à Paris. Elle va se retrouver littéralement prise entre deux feux, lors d’un affrontement armé entre l’armée régulière d’Irlande du Sud et les rebelles de l’IRA. Joyce est fou de peur, lui demande de revenir au plus vite. Il estime que, là-bas, on voudrait le tuer ou le faire taire, pour sa prétendue immoralité. Il ne retournera donc jamais en Irlande mais en considérant, jusqu’à sa mort que l’Irlande est toujours avec lui (à quelqu'un qui lui demandait quand il rentrerait en Irlande, il répondit « je ne l’ai jamais quittée »).

b)     Une décennie douloureuse

Tout d’abord, ses enfants lui causent des soucis : Giorgio tente de devenir chanteur d’opéra et qui s’éloigne de lui. Après son mariage et la naissance de son fils, il part vivre pour un temps aux Etats-Unis, éloignement que le patriarche JJ ne supporte pas. La famille revient en France mais Hélène, la femme de Giorgio est hystérique.

Mais c’est surtout Lucia qui le préoccupe. Promenée de logement en maison, d’école en école et même de langue en langue depuis son enfance, la jeune fille, fantasque, qui fait preuve de talents artistiques certains, mais qui se cherche, adopte peu à peu un comportement bizarre. En fait, elle devient folle, ce que son père n’a jamais voulu accepter. Intéressé par certaines des idées de Freud (les jeux de mots notamment), il récuse globalement la psychanalyse. Il ne la fait soigner que très tard (dont d’ailleurs pendant un certain temps par Jung) et, comme pour les écoles, dans de nombreuses structures très différentes. Cela va assombrir ses dernières années et lui coûter des sommes très importantes.

Joyce lui-même a de nombreux problèmes oculaires graves et se fait opérer à de très nombreuses reprises, à Paris et Zurich. Il va risquer la cécité et, par dérision, va se comparer à Homère, l’auteur aveugle du 1er Ulysse ! Cette décennie est aussi celle de la mort de son père auquel James est resté attaché, seul de ses frères et sœurs.

Malgré tout, Joyce travaille sans relâche à Finnegans’Wake, qui paraitra simultanément à Londres et N-Y le 4 mai 1939, alors que les rumeurs de guerre affolaient Joyce, quant au risque que son œuvre passât inaperçue.

 

c) Les derniers mois

La guerre éclate effectivement. Stephen, le petit-fils de Joyce est élève dans l’école internationale tenue par Maria Jolas qui, avec son mari, sont des amis des Joyce. La mère d’un des élèves lui fait la proposition de se replier, avec son école, dans son château, au centre de la France, à Saint-Gérand-le-Puy. L’école y est transférée en octobre 1939 et les Joyce s’installent dans le village le 24 décembre 1939. Durant ces quelques mois passés dans l’Allier, la santé de Joyce se détériore et son moral aussi. Becket lui rendra visite, lui-même rendra visite à Larbaud, reclus dans son fauteuil de paralytique à Vichy.

Joyce essaie de partir pour la Suisse, mais de nombreux obstacles les freinent : Giorgio, en âge de combattre, peut être arrêté à tt moment ; les autorités suisses ont cru que Joyce était juif et qu’il tentait de joindre la Suisse frauduleusement : il faudra l’intervention d’intellectuels suisses (et le paiement d’une forte somme…) pour que les autorités suisses acceptent de le laisser entrer. Il faut en outre que les autorités françaises le laissent partir. Or, il a un passeport anglais et il n’y a plus de relations entre le régime de Vichy et l’Angleterre. Joyce va faire intervenir Giraudoux, ancien ministre, alors à Cusset. Après de multiples tracasseries, les Joyce quittent Saint-Gérand le 14 décembre 1940, soit après presqu’un an. Ils arrivent à Zurich le 17.

Mais, le 11 janvier, Joyce est opéré d’un ulcère au duodénum perforé et meurt le 13 janvier 1941 à 58 ans.

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11 mai 2010 2 11 /05 /mai /2010 19:17

Gérard Colonna d’Istria :

 

 

Introduction générale

 

Les raisons de cette première séance organisée par l’Association – Joyce et surtout Ulysse sont illisibles. Qu’en penser ? Une légende tenace : Surtout si on se souvient que  Joyce y a mis du sien !

Notre pari d’aujourd’hui = essayer de ndlégendre Unrépondre à cet argument un peu paresseux.

Pour répondre, on procèdera en suivant une démarche  sans doute élémentaire (mais il se pourrait que l’élémentaire soit ici le fondamental) mais qui nous apparaît comme un départ obligé :

 

  1) (Gérard) réfléchir brièvement  sur le rapport de l’œuvre avec la vie en général, faire  voir les risques d’une méthode réductive, et montrer pourquoi néanmoins c’est,  dans le cas de Joyce, chose utile et nécessaire.

 

  2) ( Jean-Claude) tenter, à partir de là,  de retracer brièvement les étapes de la vie de Joyce, cette matière première que sa vie lui offre, et le faire non pas pour expliquer l’œuvre par la vie – mais en nous souvenant que deux au moins des grands livres de Joyce (le Portrait et Ulysse) ont une forme autobiographique – il est dans ces conditions légitime de démêler la part de la mémoire et la part de la création et de l’invention, de comprendre comment  l’une appelle  l’autre dans la lecture des œuvres.

 

 3) Nous livrer à une sorte d’exercice de travaux pratiques, à nos risques et périls. Tenter de lire un passage du Portrait (dont on donnera – Gérard -  un bref résumé.

On le lira d’abord (Jean-Claude) et on se hasardera à proposer un commentaire avant que Suzan fasse la lecture de deux textes en anglais.

 

Il y a quelque chose de paradoxal dans la réception de l’œuvre de Joyce, et c’est peut-être par là qu’il faut commencer. D’un côté voilà une œuvre qui s’est imposée comme un monument de  la littérature européenne, qui a affirmé avec force sa présence, qui a changé les règles comme le fait toujours une œuvre  géniale ; et de l’autre coté, dans le public, une méconnaissance, et même une réputation d’illisibilité – et Joyce lui-même a contribué à encourager cette réputation qui sent le souffre  - « il y a peu d’œuvres qui aient aussi bien réussi à décourager le lecteur » écrit un de ses  meilleurs spécialistes – et Joyce lui-même assurait qu’il avait donné du grain à moudre à ses critiques pour  un siècle ou deux…

                                                                                                                                                                    

Cependant, dire ce qui vient d’être dit ne conduit pas à souscrire à un argument paresseux, mais qui a la vie dure. Une légende tenace voudrait que ce livre soit illisible, qu’il tombe des mains du lecteur le mieux intentionné. Dès lors, en effet, à quoi bon s’obstiner ?

L’argument est commode, mais il a ses limites. Si un grand livre est un livre qui révolutionne la littérature, qui propose une nouvelle écriture, et une nouvelle manière de voir le monde, il est inévitable qu’en un premier temps il nous déconcerte et qu’il bouleverse nos critères et nos règles habituelles de lecture, bref qu’il fasse de nous un autre lecteur. A nouvelle écriture, autre lecture. Voilà une hypothèse de lecteur que nous pouvons accepter, que nous devons accepter, et grâce à laquelle nous pourrions gagner un autre bonheur de lire, devenir un lecteur ouvert à l’œuvre.

 

Tournons nous maintenant du coté des rapports  de la vie et de  l’œuvre.

 

 

 

VIE   ET ŒUVRE   -     JOYCE ET SES PERSONNAGES

 

1 - Personne peut-être – à l’exception de Proust – n’a autant centré (et concentré) son œuvre autour de lui-même, et des circonstances de sa vie que Joyce. Il y a donc transposition et rapports vivants de la vie à l’œuvre. Mais il n’est certainement pas facile de repérer quels rapports vivants exactement il met en place - et s’il est vrai qu’il transpose, qu’est-ce qu’il choisit de transposer ? 

Surtout il ne faut pas oublier  que la question ne porte pas sur un homme ordinaire, mais sur l’artiste (Portrait de l’artiste …faut méditer le titre) – il y a l’expérience vécue par l’artiste, qui suit un mode successif : le mode successif de la vie, ce sont les évènements biographiques auxquels le créateur, comme tout homme, est soumis – Puis chez le créateur le rapport s’inverse : il interroge ce temps successif, ce temps des évènements qui se succèdent dans sa vie – et dès lors ce n’est plus le même temps :  le rapport s’inverse, parce que la vie dépend désormais de l’exercice de l’art. Autrement dit, et c’est vrai pour Joyce, l’artiste donne une forme significative à sa vie. C’est son interprétation de sa vie qui  constitue l’œuvre d’art.

 

Si on veut examiner les rapports de la vie et de l’œuvre, il ne  faut donc pas en rester au premier moment. Il faut dire que chez l’artiste, la  vie suit un mouvement d’aller et retour – il y a d’abord les évènements vécus qui se succèdent, sur le mode  successif qui est le temps de la vie  (par ex : Stephen est d’abord un enfant d’une certaine famille, puis un adolescent, puis  un jeune homme – des circonstances, un état personnel, ses actes, constituent des épisodes vécus qui le déterminent). Puis le rapport s’inverse : l’artiste créateur donne une forme significative à cette vie. Dès lors on n’est plus dans le temps successif de la vie : la vie est interprétée, elle devient une sorte d’histoire qui a ses lois propres : les épisodes vécus vont être modulés en thèmes littéraires qui feront la tonalité et l’originalité de son œuvre.

 

2- On pourrait même ajouter que dans le cas de  Joyce, le créateur est formé à un personnage qui est  formé par une série de rencontres avec le monde extérieur, mais tout autant par une vocation – et en un sens l’artiste peut apparaître comme le produit « de cette race, de ce pays, de cette vie » - c’est ce que Stephen répète dans le Portrait – mais il faut bien comprendre :ce n’est pas la vie, le  pays ou la race qui « produisent » l’artiste – c’est l’artiste qui prend conscience de ces déterminations  comme autant de contraintes contre lesquelles il décide de  lutter ; « Non serviam » et  lutter contre par la  ruse, l’exil et le silence.

 

 3 – Un  des meilleurs commentateurs de  l’œuvre de Joyce, Hélène Cixous, conclut de là que l’originalité de Joyce n’est pas à chercher dans le fait que l’œuvre est nourrie de son auteur (thèse banale, lieu commun jamais interrogé – c’est plutôt le fait que « son auteur fabrique sa vie » - sa réalité est alors l’image de ce qui sera écrit à son image.

Stanislas, le frère dévoué à Jim, dit de son frère qu’il avait décidé de faire de sa vie une «expérience » - qu’il avait voulu être « l’artificier » de « son propre style de vie » - sa vie était déjà elle-même une œuvre.

 

 

                                                                                                                 

LE  PORTRAIT -  CONSIDERATIONS GENERALES

 

1 - Le thème du roman, c’est le développement d’un esprit. A ce titre le  texte de Joyce participe de ce qu’il est convenu d’appeler en allemand le « bildungsroman » = c’est le récit d’une éducation ou d’un apprentissage – et quand ce genre de roman se cantonne dans le milieu professionnel, il devient  un Kunstlerroman,  un roman de l’artiste  - On en a des exemples célèbres : Wilhelm Meister de Goethe, ou La Vie de Henry Brulard de Stendhal.

    On pourrait dire très grossièrement que  l’idée directrice c’est  - au moyen d’une fiction autobiographique – de procéder à une sorte d’enregistrement de la réalité, de montage au sens cinématographique, de moments privilégiés qui fonctionnent comme des révélateurs du réel. (Le Portrait a été écrit de 1907 à 1914 et publié dans la revue The Egoist en 1914-15.)

Joyce avait  écrit une première mouture, Stephen le héros – ici la forme choisie c’était un dialogue copieux qui suivait le fil de évènements – Joyce dans le Portrait écarte complètement la technique  simplement narrative et linéaire  qu’il avait utilisée  pour Stephen le héros. (Je n’ai pas le temps de  développer ici les raisons profondes de ce changement, qui tient à la conception de ce que Joyce nomme les « épiphanies » – j’y reviendrai si je peux plus loin) – On a dans le Portrait  comme une suite d’instants magiques où l’artiste se met à l’écoute de la Vie. Ne rien perdre et le transcrire dans le langage.

 

2 – J’invitais tout à l’heure à tenir compte du titre, en soulignant que c’est  la genèse de l’activité créatrice, et non pas de n’importe qui. Il faut maintenant être attentif au fait qu’il s’agit de l’artiste « jeune » - et cette jeunesse peut expliquer un  enthousiasme qu’il faudrait tempérer – dans ce  cas, il importe de souligner que Joyce se tient à distance de son  image, et qu’il peut inviter le lecteur à ironiser sur le projet (ou les projets) que Stephen se donne.

 

 

 

 

Passons rapidement à l’examen du contenu.

 

La première partie met déjà en place une coupure et une séparation.

1) Chap. 1 et 2 -  On assiste à une crise profonde dans la jeunesse de Stephen – crise qui tourne autour premièrement du doute religieux et deuxièmement autour de l’éveil à la sexualité – Joyce perd sa virginité à 16 ans avec une prostituée et fréquente le quartier de manière sporadique.

                                                                                                                                                                                                                                

2) Une partie centrale = les chap. 3 et 4 – ici on entre dans le cycle du péché et du remords, jusqu’à engendrer chez Stephen une apocalypse personnelle.

 

Rem = dans les chapitres 1 à 4 la quête et la rébellion de Stephen sont  séparées. A partir de 4 elles se confondent – mais (Cixous 345) il faut souligner que pendant les trois premiers chapitres Stephen reste l’objet du monde qui l’entoure et le façonne – il se laisse faire, avec des rébellions  sporadiques  - mais pour l’essentiel son sentiment dominant  c’est qu’il n’est pas là où il devrait être, et qu’il n’est pas non plus celui qu’il devrait être – ce la dure jusqu’au moment ou Stephen décide de ne plus obéir ni servir, et rejette le jugement d’autrui qui pesait sur lui jusque là. Non serviam – il s’assume come artiste et ne répond plus aux accusations d’hérétique qu’on porte sur lui.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  Ici le poète Stephen fait face à l’avenir, au monde et se  déclare pour l’exil – il est décidé à accomplir la mission qu’il s’est lui-même donné.

 

3) Enfin le chap. 5, deux fois plus long que n’importe lequel des autres « forger la conscience incréée de sa race » (c’est l’avant-dernière  phrase du  Portrait)

C’est dans ce chapitre que Stephen expose ses théories esthétiques et ses projets – il est alors étudiant à University College et c’est là qu’il prend sa décision de l’exil volontaire.

 

 

Joyce a composé sa propre figure  à partir de 1904 - dans cette composition Joyce se  voit non pas comme quelqu'un qui  aurait suivi une évolution naturelle – mais au contraire comme quelqu’un qui a été la proie d’une expérience destructrice. C’est par réaction à cette expérience destructrice que l’individualité créatrice à jailli.

 

Entre toutes ces scènes  qui symbolisent et ponctuent cette expérience négative, on retiendra  trois points culminants qui représentent  chacun une crise profonde dans la jeunesse de Stephen :

a)     les chapitres 1 et 2 qui retracent la naissance du doute religieux et, simultanément, la naissance des pulsions sexuelles qui conduit Stephen à perdre sa virginité avec une prostituée – cette proximité de la  puberté et de la vocation d’artiste crée une situation de tension : les désirs sexuels (ce que Joyce nomme « les impulsions  de ma nature ») viennent  heurter son idéal de pureté, son moralisme – car il est vrai de dire que chez Stephen, à ce stade de l’adolescence il y a à la fois un besoin de liberté qui est en opposition avec les institutions et les contraintes sociales, et qui constitue à ses yeux sa « nature » d’artiste – et un idéal de pureté hérité de l’enseignement de l’Eglise – cela conduit à une très grande difficulté à trouver un équilibre.

 (cf. un très bon exemple au début du chap. 4 qui rassemble tout – IV, folio,  232- 233    P, I, 681) – lire si  on a  le temps.)                                                   

L’adolescence révèle à Stephen qu’il est un artiste et un débauché (c’est le moment où il commence à fréquenter les maisons closes – et si les impulsions de sa nature font autant partie de sa nature que les aspirations de son esprit, il faut les réconcilier – mais on se heurte à un autre problème : l’art doit servir de substitut à la religion – l’artiste doit devenir à un niveau plus élevé « un prêtre de l’art » - est-ce possible ?

Toute une série d’apories naissent de là - La vocation de l’artiste a un caractère sacerdotal et le  quotidien est sublimé comme une matière pour l’art.

b) le chapitre  3 se compose d’un  interminable sermon sur l’enfer prononcé dans toutes les règles de l’art des jésuites par un prédicateur chevronné et éloquent que Stephen et ses camarades doivent subir pendant une retraite.

             

       Le  sermon, administré par cet éloquent  prêcheur jésuite, suit scrupuleusement les leçons et les  méthodes des exercices spirituels d’Ignace  de Loyola – l’éloquent jésuite  prend pour sujet le péché de Lucifer, son orgueil intellectuel, son refus et sa chute dramatique.

Stephen est bouleversé. Le  remords l’assaille, et son imagination est déchirée par les tourments des damnés. (Le  sermon pourrait être comparé à la légende du grand inquisiteur).

Il y a là une question qui demeure un problème pour l’œuvre entière de Joyce. A-t-il continué   après voir quitté l’église à croire en l’enfer ? Question difficile ! Peut-être peut-on hasarder quelques éléments de réponse, sans prétendre donner une réponse définitive. Notons simplement ceci :

1-     il a pu  continuer à y croire, tout en ayant rompu avec l’Eglise, mais comme un apostat qui bâtit sa propre vision de l’enfer – c’est ce qu’il fait par exemple dans Ulysse (épisode Hadès).

2-     Cela pourrait se dire d’une autre manière – Joyce vit dans un monde où la souffrance existe toujours, mais sans espoir de salut religieux.

3-     Le  problème du mal continue à se poser. Mais il ne faut pas oublier que Joyce fera sienne le refus de Lucifer, l’ange déçu – la dernière réponse de  Stephen c’est « non serviam » c'est à dire, exactement, la parole de Lucifer !

 

c) le chapitre 4

Mais nous n’en sommes pas là ! Stephen va être tenté au contraire de  rentrer dans l’ordre des jésuites, comme son directeur lui en fait l’offre. Mais il est fasciné et terrifié par le formidable pouvoir  que l’ordination procure.

 

II découvre alors sa vocation pour un autre apostolat et une nouvelle vocation : se consacrer à l’art.

L’Eglise  lui aurait apporté l’ordre, mais aussi la négation de la vie et des sens.

C’est alors qu’il fait une promenade le long de la grève. Et il ressent soudain une explosion de joie profane à la vue de la beauté  d’une jeune fille aux cuisses nues qui marche dans l’eau  - il découvre du même coup sa vraie vocation.

On laissera de côté ici le chapitre 5 – Stephen médite sur  son art, tente d‘approcher une définition de son esthétique qu’il place sous l’invocation de  Saint-Thomas d’Aquin – et il conclut finalement par la décision de partir.

 

Tournons nous maintenant vers notre texte d’ouverture.    

 

 

 

L’ouverture

PORTRAIT DE L’ARTISTE, CHAP 1 - DEBUT

 

 Dès cette  première page du Portrait, le lecteur voit défiler les impulsions primaires de la vie, défilé ininterrompu des toutes premières sensations que la vie met en jeu après la naissance : les goûts les odeurs, les bruits,  les perceptions oculaires (cf. Levin, 93)…

 Ce premier chapitre (Cixous 347 sq.) est construit en imitant la construction du monde par un petit enfant – il est fait de scènes juxtaposées, à l’état brut, et la force de ces scènes, c’est qu’elles ont  la capacité    d’imprimer dans l’esprit de l’enfant leurs  formes, à une époque où l’enfant ne peut leur donner le sens qu’elles ont pour les adultes.

 

1 – Tout commence comme un conte de fée, (tradition irlandaise –cf. note Aubert).

Voilà donc = on commence par nous conter quelque chose (notons bien que ça n’est pas exactement une histoire, c’est  l’histoire d’une histoire, celle d’un enfant qui deviendra un artiste ) – pour que cet enfant devienne un artiste, il faut que son histoire soit enchâssée dans un récit – il  faut une genèse qui s’énonce sur un mode général = il était une fois, et c’était une très bonne fois une meuh meuh , une moocow (trois o !), qui descendait  le long d’une route et qui rencontre « un mignon petit garçon tuckoo (traduit ici « bébé couche ») – ils se rencontrent et tout passe par des signes linguistiques –

La version initiale de ces évènements de l’histoire (Cixous) a quelque chose d’animal, et pas seulement du fait  de la moocow, car on apprendra plus loin que cet enfant se nomme Dedalus, il a quelque chose d’un oiseau – héritier symbolique de Dédale, l’ingénieur génial qui a conçu le labyrinthe, et qui réussit à fuir en se faisant avec son fils Icare homme oiseau – le fils y laisse des plumes ! Mais Stephen ne se nomme pas Icare, il se nomme Dedalus et il revendiquera (cf. IV folio, 252-53) « le symbole de l’artiste forgeant à nouveau dans son atelier, avec l’inerte matière terrestre, un être nouveau, impalpable, impérissable, en plein essor »  -

Et pendant qu’on y est notons aussi qu’on va trouver bientôt d’autres oiseaux =  des aigles qui menacent d’énucléer Stephen. – on va y revenir.

 

2 - Il semble qu’on peut distinguer deux scènes. Deux scènes auxquelles s’ajoutent les observations que fait l’enfant sur les personnes qui l’entourent – C’est comme si on assistait à la construction d’un monde par un petit enfant.

..

1) Dans la première scène, le père, la mère, l’oncle Charles et Dante entourent Stephen – ces scènes sont  juxtaposées, à l’état brut : elles s’imposent  à l’enfant, elles s’impriment en lui (parce qu’il est à un âge où il ne  peut encore leur donner le sens qu’elles ont pour les adultes) – mais on peut noter que l’enfant est tout particulièrement sensible au langage, au fait que le langage traduit les évènements : les mots et les sons qu’il perçoit lui  paraissent être des intermédiaires privilégiés, plus que les autres perceptions par les sens – beaucoup de choses passent  par l’oreille – il y a des mots, mais des mots qui sont plutôt perçus par lui comme des sons.

 

Quant aux adultes, on a dans l’ordre d’entrée en scène.

- Premièrement, le père qui regarde Stephen en lui racontant cette histoire – quelqu’un qui se tient à une certaine distance c’est l’image classique du père  (et l’histoire est vraie, le père de  Joyce en fournit le témoignage à son fils dans une lettre cf. note d’Aubert) – le  père détenteur de la loi –

 

- Deuxièmement, la mère, d’abord du coté du corps, c’est la mère qui soigne  et qui dresse – ici Joyce est très précis : on commence par mouiller le  lit, puis se succèdent les sensations, froid, pose d’une  alèse par la mère, odeur bizarre – mais la mère sent meilleur que  le père.

L’odorat apparaît ainsi comme un sens primitif.

La mère ne  raconte pas d’histoire mais elle joue du piano – là, quelque  chose d’essentiel se manifeste  =la musique On rentre sur un territoire musical – la mère joue du piano pour qu’il danse ; la mère le fait danser.

 

Puis troisièmement, on a un couple curieux : oncle Charles et  Dante – Dante est gentille, elle récompense Stephen d’un cachou quand il apporte un papier de soie – elle a deux brosses, et avec ces  deux brosses c’est l’Irlande politique qui fait irruption Parnell, Michael Davitt.

 

      2) Jusque là la scène est agréable. Mais elle prend fin sur une épiphanie violente, brutalement : « quand il serait grand il se marierait avec                                       Eileen… »   Et il se cache sous la table - c’est alors que la mère dit : oh ! Stephen va demander pardon et Dante ajoute : « oh ! Sans cela les aigles viendront et lui crèveront les yeux ».

 

Qu’est-ce qui le menace, pour qu’il aille se  fourrer sous la  table ? L’accusateur impose le choix : ou soumission ou punition par aveuglement, énucléation.

Mais, chose remarquable, l’enfant va se tirer de ce mauvais pas – il refuse de répondre aux adultes, il se tourne vers lui-même, et il décape la violence des mots,  il la neutralise. Il découvre, caché,  en exil sous la table, l’usage poétique et musical de la langue : en jouant avec les mots et avec les sons, en les arrangeant dans un jeu verbal et musical. Il se libère par une réappropriation esthétique, en faisant  jouer les mots et les sons d’une autre manière (cf. Cixous, 349) ; il découvre le langage de l’art,  qui est  en même temps une relation à soi même. Ainsi le jeu des mots, le jeu avec les mots (ce nouvel arrangement des mots qui, comme dit Cixous, lui fait  découvrir le pouvoir de la phonétique) désamorce leur cruauté et leur  violence. Il réorganise les mots dans la beauté et fait son salut.

Ici Stephen  prend dans une chanson de quoi en faire sa chanson (oh, la  Hose vêhte) – il est comme le  coucou, il fait son nid dans les mots de l’Autre, dans le langage commun – mais il le déforme et le détourne  à des fins propres, esthétiques.

                 

A la fin du Portrait, ayant pris la décision d’être du côté de la création, Stephen se donnera comme  devise : l’exil, le silence et la ruse. Mais si on examine un peu attentivement ce début, Stephen, plus ou moins inconsciemment, a déjà recours à cette triple exigence :- si on regarde cette scène inaugurale :

 Premièrement, sous la table, il s’exile et prend volontairement une distance qui le préserve. Il découvre dans le langage le pouvoir des sons, il devient ce « voleur de sons » qui donne un sens esthétique aux mots et neutralise leur poids d’agressivité.

 Deuxièmement, à l’injonction de sa mère  qu’il vit peut-être comme une trahison, il répond par le silence.

Troisièmement, contre la peur de la mutilation contenue dans la menace des aigles, il désamorce  la charge par la ruse, à l’aide d’un jeu verbal.

 Cixous a  raison : «  La devise de l’artiste est déjà esquissée, sous une forme élémentaire : silence, fuite, et jeu verbal. » (349)

 

Richesse de cette entrée en matière : elle contient à l’état virtuel, des germes de thèmes essentiels qui sont au cœur de l’œuvre.

 

 

 

 

Reste un dernier point, sur lequel je voudrais m’attarder un instant :

 

L’aigle qui crève les yeux se retrouvera souvent chez Joyce – disons simplement ici qu’il peut symboliser la peur de l’aveuglement – se soumettre pour Stephen, ce serait accepter l’aveuglement du vulgaire, auquel il ne saurait se résoudre – s’aveugler ici ce serait s’aveugler spirituellement, se voir imposer la force des convictions, se soumettre aux préjugés  du vulgaire, remettre en cause son exigence de vérité.

Un peu plus loin, l’aigle est remplacé par un  oiseau plus vulgaire, dont le nom est porté par un camarade de classe : Héron – et cette fois en dérision, Stephen n’est pas menacé par des becs d’aigle, mais par un...trognon de chou.

Ainsi il existe d’autres formes d’aveuglement, beaucoup plus dangereuses. Le passage de la maison au collège conduira Stephen à la découverte de l’injustice et de la cruauté. Ce qu’il découvre d’abord, c’est l’art de faire souffrir et un monde d’inquisition que les prêtres dans les collèges ont mis à leur service. Les analyses subtiles de Joyce montrent et révèlent la vraie nature de ces inquisiteurs. Au fond ils n’attendent pas de ceux qu’ils soumettent à la «  question » qu’’ils donnent de vraies réponses et qu’ils s’amendent. Au fond d’eux-mêmes ils ne croient qu’en une chose : la violence et la force – c’est la violence qui réglera les questions !

 

Un bon exemple de cette violence qui aveugle est fourni par un incident qui prend une allure de modèle. Stephen est au collège, et il casse malheureusement sa paire de lunettes. Du fait de sa faible vue, il ne peut ni faire ni re copier ses devoirs – si bien que le surveillant (le père Arnal) l’autorise à ne pas faire les exercices. Mais c’est ne pas compter avec le préfet des études, le père Dolan. La suite se passe de commentaires. Susan va vous la lire :

 

 

 

              [1]Portrait de l’inquisiteur :

 «  Au travail, vous  tous, vociférait le préfet des études. Nous  n’avons  pas besoin de fainéants ici, de petits tricheurs paresseux !  Au travail, je vous dis ! Le père Dolan passera vous  voir tous les jours. Le père Dolan repassera dès demain !

      Il poussa la férule d ans les côtes d’un des élèves, disant :

      «  Toi,  réponds : quand  est-ce que le père Dolan  repassera ici ?

-          Demain, Monsieur, répondit  la voix de Tom Furlong

-          Demain, et demain, et demain, dit le préfet. Mettez-vous bien cela dans la tête  Tous les jours le père Dolan. Ecrivez.  Toi, mon garçon, qui es-tu ?

Le cœur de Stephen fit  un sursaut.

Pourquoi n’écris-tu pas comme les autres ?

-          « Dedalus, monsieur.

-          - Je…mes…

-          Pourquoi n’écrit-il pas, père Arnal ?

-          Il a cassé ses lunettes, dit le père Arnal, et je lai dispensé de  travailler.

-          Cassé,  Qu’est-ce que j’entends ? quoi ? Ton nom ? dit le préfet des études.

-          Dedalus, monsieur.

-          Approche ici, Dedalus. Vilain petit combinard ! Je vois sur ta figure que tu es un combinard. Où as-tu cassé tes lunettes ? »             

Stephen s’avança en titubant  jusqu’au milieu de la classe, aveuglé  par la peur  et la hâte.

-          « Ou as-tu cassé tes lunettes ? répéta le  préfet des études.

-          Sur la cendrée, monsieur.

-          Hoho! la cendrée !  s’écria le préfet. Je connais le truc ! »

Stephen leva les yeux avec étonnement et vit  pendant un instant le visage du père Dolan, son visage grisâtre,  vieillot, sa tête chauve, grise, encadrée de duvet, le bord métallique de ses lunettes et ses yeux sans couleur regardant à travers les verres. Pourquoi disait-il qu’il connaissait le truc ?

 

« Vilain petit fainéant ! cria le préfet. Cassé mes lunettes ? Vieux truc d’écolier ! Allons ! ta main, et tout de suite ! »     (folio, 98-99)

 

 

Concluons : voilà un texte riche, et qui offre au lecteur bien des occasions de s’interroger.

Enfin pour achever ce long périple, retournons à notre question initiale des

Rapports de l’œuvre et de la vie, et terminons  par la lecture de ce texte considéré à juste tire comme un des sommets de l’écriture du Portrait :

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              « Il se détourna d’elle brusquement et s’en fut à travers la grève.

      Ses joues brulaient ; son corps était un brasier, un tremblement agitait ses membres. Il s’en fut à grands pas, toujours plus loin, par delà  les    sables, chantant  un hymne sauvage à la mer, criant pour saluer l’avènement de la vie qui avait crié vers lui.

  L’image de la jeune fille  était entrée dans son  âme à jamais, et nulle parole  n’avait rompu le silence sacré de son extase. Ses  yeux à  elle l’avaient appelé et son âme avait bondi à l’appel. Vivre, s’égarer, tomber, triompher, recréer la vie avec la vie ! Un ange sauvage lui était apparu, l’ange de jeunesse et de beauté mortelle, ambassadeur des cours splendides de la vie, ouvrant devant lui, en  un instant d’extase, les barrières de toutes les voies d ‘égarement et de gloire. En avant ! En avant ! En avant ! » (Folio, 256-57)

 

 

 

 

 

SUR JOYCE   - bibliographie  sommaire

 

JOYCE  - Œuvres 2 vol Bibliothèque de la Pléiade  introduction et direction de l’ouvrage

Par Jacques AUBERT – un outil indispensable pour une lecture approfondie.

 

ELLMANN Richard : James Joyce,  2 vol, collection. « Tel » Gallimard – c’est « la »  biographie  sur  Joyce – un monument qui semble indépassable.

 

AUBERT Jacques ; Introduction à l’esthétique de James Joyce, Didier, 1973

 

AUBERT Jacques et SENN Fritz – James Joyce, Cahiers de l’Herne, Paris , 1985

 

CIXOUS Hélène : L’exil de James Joyce , Grasset, Paris, 1968 – une thèse monumentale – une mine pour comprendre la genèse de l’artiste – indispensable.

 

ECO Umberto – L’œuvre ouverte, Seuil - en particulier le  chapitre sur « les poétiques de

Joyce ».

 

LEVIN Harry : James Joyce

 

RABATE Jean-Michel – James Joyce, ‘portraits littéraires’ Hachette supérieur – Beaucoup plus qu’une introduction – un ouvrage essentiel  - lecture stimulante

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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11 mai 2010 2 11 /05 /mai /2010 19:11

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 ©

Association James Joyce

à Saint-Gérand-Le-Puy

 

http://www.jamesjoyce.over-blog.com

 

          

 

BULLETIN D’ADHESION 2010

 

 

M., Mme, Mlle (rayer la mention inutile)

NOM :

PRENOM :

PROFESSION :

PERSONNE MORALE :

ADRESSE :

CODE POSTAL :

VILLE :

 

TEL :

COURRIEL :

SITE INTERNET :

 

 

Montant des cotisations : (cochez la case)

 

Individuel                 15 €

 Etudiant                   10€

 Individuel soutien     50€

 Personne morale      50€

 

 

A,                                           le,

Signature :

 

 

Règlement par chèque bancaire à l’ordre de

Association James Joyce à Saint-Gérand,

 

A renvoyer au siège de l’Association :Mairie, 1 rue Dupont, 03150 Saint-Gérand-le-Puy ou à la trésorière : Simone Courtadon – 10 rue de Provence – 03150 Varennes-sur-Allier

 

                                                                                   

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10 mai 2010 1 10 /05 /mai /2010 13:48

 - Mercredi 19 Mai : 

Proposition d’ateliers « Ulysses – Chemins familiers », en direction des professeurs de lycées et collèges, ou des lecteurs tous publics. Entrée gratuite.
           Par Adrien Malcor, diplômé de l'Ecole nationale supérieure des Beaux-arts de Paris.
    

  15h - Salle de la Bibliothèque Anna Livia Plurabelle, Espace James Joyce - Saint-Gérand-le-Puy 


Introduction au projet d'atelier:

L’auteur d’Ulysses a minutieusement réglé les trajets de ses Dublinois en ce jour du 16 juin 1904. L’épopée devait emprunter des « chemins familiers », pour reprendre une expression de l’éthologue Jacob von Uexküll, et le drame se dessiner dans la trame du quotidien. J’entrerai avec les élèves dans le détail de ces jeux topographiques, exposerai aussi simplement que possible leurs enjeux formels et symboliques (thème de la ville, parallèles avec l’Odyssée, labyrinthe de la simultanéité et « langage des flux ») et montrerai comment les artistes d’hier et d’aujourd’hui ont pu interpréter ou retrouver la psycho-géographie joycienne.

J’inviterai alors les élèves à cartographier leurs propres chemins familiers, en mobilisant leur expérience éventuelle des jeux vidéo, quand ces derniers, comme c’est souvent le cas, donnent à lire, voire à dresser, des plans et des cartes. Ce travail pourra donner lieu à des réalisations graphiques (calques superposés, par exemple) ou littéraires (élaboration de brefs « monologues intérieurs »). À l’échelle de la classe, nous pourrons comparer la façon dont chacun marque et utilise ses repères quotidiens, et chercher pour le ou les réseaux obtenus les correspondances spatio-temporelles et les prolongements imaginaires (coïncidences avec les événements de l’actualité, rêves, projets ou souvenirs de voyage, etc.).

P.S. J’ai évoqué les jeux vidéo. En vérité j’aimerais sensibiliser les jeunes collégiens ou lycéens à ce qui dans l’écriture et la lecture d’Ulysses relève du jeu, d’un esprit de jeu. Rien ne sert de leur cacher les difficultés du livre. Mais ils peuvent, je crois, saisir facilement quelques grandes idées de Joyce : le quotidien n’est pas « banal », l’espace-temps est élastique, et le monde est accessible à l’imagination. Le « réenchantement » du chemin familier me paraît une approche possible, à même d’ouvrir à la fois sur les buts littéraires de Joyce, sur les missions de l’art aujourd’hui (pourquoi pas ?) et sur des réalisations concrètes, des expérimentations pour tous et toutes.


 

 

 

 


  
 Date de l'Assemblée générale :

          Mercredi 19 mai à 18h30 - Salle de la Bibliothèque Anna Livia Plurabelle
                                 Espace James Joyce - Saint-Gérand-le-Puy    
 

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10 mars 2010 3 10 /03 /mars /2010 18:20

 Programme des ateliers 2010 :

          - Date à fixer à nouveauJoyce, la spécificité de son oeuvre. Intervention au Lycée de Presles à Vichy en classe de Seconde et Première Euro-Anglais dans le cadre de la préparation de leur séjour à Dublin. 
          Conférence animée par Gérard Colonna d'Istria, Professeur honoraire, agrégé de Philo et Jean-Claude Péronnet, professeur agrégé de lettres. Lectures en Anglais, par des lycéens.


       - Mercredi 28 avril : Un écrivain d'exception James Joyce à Saint-Gérand-le-Puy . Lectures. Présentation de son séjour à Saint-Gérand-le-Puy dans le contexte de sa vie. L'importance littéraire de son oeuvre.

Programme :
- Quelques considérations sur le roman et ses avatars
- Le Portrait de l'Artiste

- Lectures
- James Joyce à Saint-Gérand-le-Puy, le film
- L'écrivain, le poète.

Animation, Gérard Colonna d'Istria, Professeur honoraire, agrégé de Philosophie, Jean-Claude Péronnet, Professeur agrégé de lettres, lectures en anglais par Suzan Papala.
          20h30 - Médiathèque de Varennes sur Allier - rue Louis Bonjon

             ( pot de l'amitié avec spécialités irlandaises offert par la municipalité )



 

 Entrée libre.

 

On ne le sait pas forcément, mais l’un des plus grands écrivains mondiaux du XXème siècle a passé près d’un an,  quasiment sa dernière année de vie, à Saint-Gérand-le-Puy. Qu’est-ce qui a pu conduire cet Irlandais européen avant l’heure, à se réfugier dans les heures sombres de l’année 40, dans ce bourg du cœur de l’Allier, loin de Dublin, Londres, Paris, Trieste et Zurich où il vécut ? Et qui était cet homme étonnant, nomade perpétuel qui n’avait selon ses propres dires « jamais quitté Dublin », inquiet de tout et insouciant du reste, provocateur et discret, tout à la fois ? Ses contradictions ne sont-elles pas celles de son siècle entier, livrées par son œuvre littéraire, que chacun reconnaît aujourd’hui révolutionnaire et novatrice mais que beaucoup estiment  illisible ou au moins difficile ?

C’est pour tenter de répondre à ces questions que seront présentés au public les grands repères de la vie et de l’œuvre de James Joyce, les raisons de sa présence en Bourbonnais, tandis que seront lues et commentées quelques pages emblématiques de la méthode littéraire de Joyce, lues, pour le plaisir de l’oreille, en anglais, mais aussi, qu’on se rassure, en français.


        - Mercredi 19 Mai :  Proposition d’ateliers « Ulysses – Chemins familiers », en direction des professeurs de lycées et collèges, ou des lecteurs tous publics.
           Par Adrien Malcor, diplômé de l'Ecole nationale supérieure des Beaux-arts de Paris.
      15h - Salle de la Bibliothèque Anna Livia Plurabelle, Espace James Joyce - Saint-Gérand-le-Puy 

Introduction au projet d'atelier:

L’auteur d’Ulysses a minutieusement réglé les trajets de ses Dublinois en ce jour du 16 juin 1904. L’épopée devait emprunter des « chemins familiers », pour reprendre une expression de l’éthologue Jacob von Uexküll, et le drame se dessiner dans la trame du quotidien. J’entrerai avec les élèves dans le détail de ces jeux topographiques, exposerai aussi simplement que possible leurs enjeux formels et symboliques (thème de la ville, parallèles avec l’Odyssée, labyrinthe de la simultanéité et « langage des flux ») et montrerai comment les artistes d’hier et d’aujourd’hui ont pu interpréter ou retrouver la psycho-géographie joycienne.

J’inviterai alors les élèves à cartographier leurs propres chemins familiers, en mobilisant leur expérience éventuelle des jeux vidéo, quand ces derniers, comme c’est souvent le cas, donnent à lire, voire à dresser, des plans et des cartes. Ce travail pourra donner lieu à des réalisations graphiques (calques superposés, par exemple) ou littéraires (élaboration de brefs « monologues intérieurs »). À l’échelle de la classe, nous pourrons comparer la façon dont chacun marque et utilise ses repères quotidiens, et chercher pour le ou les réseaux obtenus les correspondances spatio-temporelles et les prolongements imaginaires (coïncidences avec les événements de l’actualité, rêves, projets ou souvenirs de voyage, etc.).

P.S. J’ai évoqué les jeux vidéo. En vérité j’aimerais sensibiliser les jeunes collégiens ou lycéens à ce qui dans l’écriture et la lecture d’Ulysses relève du jeu, d’un esprit de jeu. Rien ne sert de leur cacher les difficultés du livre. Mais ils peuvent, je crois, saisir facilement quelques grandes idées de Joyce : le quotidien n’est pas « banal », l’espace-temps est élastique, et le monde est accessible à l’imagination. Le « réenchantement » du chemin familier me paraît une approche possible, à même d’ouvrir à la fois sur les buts littéraires de Joyce, sur les missions de l’art aujourd’hui (pourquoi pas ?) et sur des réalisations concrètes, des expérimentations pour tous et toutes.



  Jour d'Ulysse 2010 : Samedi 26 juin espace James Joyce 
                              Saint-Gérand-le-Puy 

Pré-programme :

          - Petit déjeuner irlandais
      
- Balade sur les pas de Joyce avec lectures et animation des J.J. Minstrels
       
- Déjeuner au Café Parisien
      
  - Conférences :Janine Neboit-Mombet : réception de l'oeuvre de James Joyce en Russie  
              Jacques Le Brun : les lettres inédites de James Joyce à Louis Gillet

           - Dîner à l'Hôtel de la Paix - Animation des J.J. Minstrels
          - En soirée conférence de Pascal Bataillard
Joyce et l'Italie, sur fond de "Voyage in Italy" de Rossellini     
 
En cours d'élaboration

 Date de l'Assemblée générale :

          Mercredi 19 mai à 18h30 - Salle de la Bibliothèque Anna Livia Plurabelle
                                 Espace James Joyce - Saint-Gérand-le-Puy    
 

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28 janvier 2010 4 28 /01 /janvier /2010 16:52
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Sur les pas de Joyce à Saint-Gérand-le-Puy
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28 janvier 2010 4 28 /01 /janvier /2010 10:49
      Les visiteurs sont invités à prendre le chemin que James Joyce empruntait chaque jour (promenade relatée dans le reportage, effectué par des Lycéens de Presles à Vichy,  qui rassemble des inteviews de contemporains de Joyce).
      Il conduit de l'hôtel de la Paix au lavoir communal en passant par l'église, le square James Joyce, la maison Ponthenier et le salon de coiffure où le rasait son barbier. Des plaques relatant des extraits de son oeuvre en anglais et français recréent une ambiance toute particulière associée à celle de l'environnement paysagé, pas si différent parfois de celui de  l'Irlande, de ce charmant petit bourg rural.  On peut essayer d'imaginer la pensée de l'auteur navigant entre ce "visible", ses soucis familiaux, la réflexion sur son oeuvre et sa quête pour atteindre son eldorado de paix : Zurich.
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27 janvier 2010 3 27 /01 /janvier /2010 10:57
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