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  • : James JOYCE à Saint-Gérand-le-Puy
  • : Informations, échanges sur la vie et l'oeuvre de Joyce. Thèmes de rencontres, conférences, tables rondes. Evènementiel : "Le jour d'Ulysse" Musée et bibliothèque Anna Livia Plurabelle. Balade "Sur les pas de Joyce à Saint-Gérand-le-Puy".
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22 mars 2007 4 22 /03 /mars /2007 16:54
Conférences d’Annie TARDITS et de Pascal BATAILLARD – discussion animée par J. AUBERT (juin 2005)
 
Il faut saluer aussi, évidemment, la qualité des interventions des deux conférenciers, et la prestation du président de séance, le professeur Jacques AUBERT spécialiste incontesté de JOYCE, traducteur et maître d’œuvre des deux volumes de JOYCE parus dans la Pléiade, et directeur de l’entreprise collective de la nouvelle traduction d’Ulysse, parue en 2004 chezGallimard.
Jacques AUBERT n’est pas un inconnu à Saint-Gérand-le-Puy. Il a fait partie dès le début, dans les années 70-80, de ceux qui ont donné une impulsion initiale décisive à cette reconnaissance de JOYCE, et il a mis, chaque fois que c’était nécessaire, sa compétence, sa finesse d’esprit et sa diplomatie au service de l’entreprise, en se montrant, c’est un alliage rare, un critique avisé et un homme efficace, mais toujours discret et aimable.
 
Au début de l’épisode de Protée dans Ulysse, Stephen DEDALUS, sur la plage de Sandymount, décide d’explorer la manière d’être des choses et du monde, dont l’identité lui paraît mouvante et incertaine. Cette quête, qui est au coeur de toute véritable création artistique, conduit Stephen à opérer une véritable expérimentation métaphysique : celle d’un monde où, comme l’a confié JOYCE, « tout change : mer, ciel, hommes, animaux ; les mots changent aussi ». Une nouvelle odyssée commence, une traversée des apparences où l’écriture doit interpréter et exprimer à nouveaux frais « la signature des choses ». Cette mise à l’épreuve est radicale : elle remonte aux catégories premières de la perception, et, à la suite d’ARISTOTE, aux formes élémentaires du visible et de l’audible. Et cet effort conduit Stephen, entre autres choses, à accorder, à côté de « l’inéluctable modalité du visible », une place tout à fait essentielle à ce qu’il propose de nommer « l’inéluctable modalité de l’audible ».
 
C’est cette « inéluctable modalité de l’audible » qu’Annie TARDITS et Pascal BATAILLARD se sont efforcés de sonder dans leurs conférences.
 
Annie TARDITS
 
Annie TARDITS a examiné cet univers sonore de JOYCE, un univers que JOYCE explore avec un tel soin qu’on a pu y voir une préfiguration de ces « traités des objets musicaux » chers aux musicologues contemporains. Mais surtout elle a établi une distinction qui constitue une hypothèse de travail tout à fait stimulante pour les lecteurs de JOYCE : la distinction entre un « savoir de la voix » et un « savoir faire avec la voix ».
Savoir de la voix, manifeste ou latent, mais qui affleure toujours dans les textes, et montre combien JOYCE est attentif à toutes les facettes de la voix. La voix de l’autre, ce savoir inconscient, qui dès la naissance, avant toute signification, plonge l’enfant dans cet univers d’émotions et d’affects qui règle et forme le sujet en sujet parlant. La voix qui donne à chacun une capacité expressive qui lui assigne, par delà la fonction référentielle de la langue, une qualité propre et une singularité radicale. La voix et son rapport privilégié au jeu de la demande et du désir sexuel, dans toutes ses tonalités, conscientes et inconscientes, qui nous lie à l’autre et passe autant par ce qu’elle nomme si justement « les défilés du langage » que par la vue.
Mais le savoir de JOYCE n’est pas seulement un «savoir de la voix », c’est, plus encore, un « savoir faire avec la voix », qui révolutionne toute une tradition littéraire et poétique. JOYCE opère dans l’écriture une séparation de la lettre et de la voix, où il ne s’agit plus seulement de décrire le flux et la mélodie intérieure de la pensée, mais, comme le dit Annie TARDITS, de « décrire le flux vocal lui-même, dans son jeu d’échos et de traits différentiels, de faire entendre ce que nous ignorons à la fois curieusement et nécessairement quand nous parlons, c'est-à-dire quand nous employons les mots avec désinvolture. Ce que nous oublions, c’est précisément la valeur des mots », au-delà de leur signification, que JOYCE nous invite à faire surgir, comme autant d’ « épiphanies ».
 
Annie TARDITS a examiné cet univers sonore de JOYCE, elle a établi une distinction qui constitue une hypothèse de travail tout à fait stimulante pour les lecteurs de JOYCE : la distinction entre un « savoir de la voix » et un « savoir faire avec la voix ». Ce savoir-faire avec la voix révolutionne toute une tradition littéraire et poétique. Il fait entendre ce que nous oublions tous si facilement quand nous parlons, la valeur des mots, que par-delà leur signification, Joyce nous invite à faire surgir comme autant « d’épiphanies »
 
Pascal BATAILLARD
 
Pascal Bataillard a montré, dans le même sens, combien il faut prêter attention à tout ce qui pourrait apparaître, au premier abord, comme une incidente musicale sans importance dans les textes de JOYCE : ces bouts de chansons, ces comptines, ces citations, ces refrains, parfois à peine esquissés ou simplement suggérés… Ici, en réalité, une véritable révolution s’accomplit dans la langue littéraire et poétique.
 
Reste à dire quelques mots du programme de l’année 2006, qui s’efforcera de rivaliser avec les journées de 2005, en particulier pour ce qui concerne les conférences, et qui compte par ailleurs enrichir encore le fonds de la bibliothèque Anna Livia Plurabelle.
 
 
Sur les pas de JOYCE
 
Un parcours fléché permet aujourd’hui de flâner dans le village « sur les pas de JOYCE ». De l’Hôtel de la Paix au Lavoir, de la boutique du barbier à l’Eglise, de la maison Ponthenier au square, le chemin est ponctué de plaques où la parole est laissée à de brefs passages empruntés au Portrait de l’artiste, à Ulysse et à Finnegans Wake. L’amateur y trouvera de quoi alimenter sa rêverie ou sa mémoire... JOYCE a pu goûter ces promenades qu’il effectuait quotidiennement, bien qu’il fût à demi aveugle. Il a pu aussi, dans des moments de découragement, pester contre un séjour qu’il souhaitait écourter pour retrouver Zurich, et il a ironisé parfois sur sa vie à « Saint-Tampion-le-Machin ».
       Mais tant qu’on s’en tient à ces témoignages ou à ces propos de table, on manque sans doute l’essentiel. Mieux vaudrait rappeler ce fait qui, lui, n’est pas anecdotique : cet homme à demi aveugle et qui se savait gravement atteint par la maladie, a passé des après-midi entières à corriger méticuleusement les épreuves de Finnegans Wake, en compagnie de Paul LEON, qui l’avait rejoint à Saint-Gérand-le-Puy. Si bien qu’au mois d’août 40, au moment de son départ pour les Etats-Unis, Marie JOLAS a pu emporter un précieux exemplaire corrigé qui a servi à l’édition d’après guerre. Jusqu’au bout, l’attention prêtée aux voix et aux mots est demeuréeune exigence primordiale.
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